Hommage à Jean-Luc Ferrer

L’IBS rend hommage à Jean-Luc Ferrer décédé le 21 avril 2020 dans sa 55eme année, après une bataille menée depuis plusieurs années contre la maladie. Pilier des lignes CRG françaises à l’ESRF, il était un scientifique internationalement reconnu dans le domaine de la biologie structurale.

Ingénieur diplômé de l’Ecole Centrale Paris en 1987, Jean-Luc Ferrer a obtenu un doctorat en physique en 1990, après une thèse réalisée au centre CEA de Bruyères-le-Châtel sur la dynamique du spectre d’un laser à électrons libres. Dans la foulée, Jean-Luc a été recruté à la Direction des Sciences du Vivant au centre CEA de Grenoble et a rejoint le Laboratoire de Cristallographie et Cristallogenèse des Protéines (LCCP) dirigé par Juan Fontecilla-Camps et créé par Michel Suscillon dans le cadre du programme « Protéine 2000 ». Cette initiative avait été prise suite à la décision de construire le synchrotron européen (ESRF) à Grenoble. Au LCCP Jean-Luc a rejoint l’équipe de Michel Roth, qui avait pour mission de construire la ligne française BM02-D2AM à l’ESRF dédiée pour moitié à la cristallographie des protéines. En 1992, le LCCP a rejoint l’Institut de Biologie Structurale nouvellement créé par Jean-Pierre Ebel. Quelques années plus tard, Jean-Luc a également contribué à la conception et à la construction de la nouvelle ligne de lumière CRG française de cristallographie des protéines BM30A-FIP.

Jean-Luc Ferrer a rapidement montré un intérêt et des compétences pour les aspects techniques et scientifiques, parfois très complexes, de construction de ligne de lumière et de résolution de structures de protéines. C’est pour cette dernière raison qu’il a initié une collaboration très fructueuse avec le Pr. Joseph P. Noel (La Jolla, USA) sur la biologie structurale de la synthèse des phénylpropanoïdes chez les plantes. Il a ensuite établi des collaborations avec de nombreuses équipes françaises et internationales, mais aussi développé ses propres thèmes de recherche (liste des ses publications).

Avec le départ à la retraite de Michel Roth en 2001, Jean-Luc est devenu responsable de la ligne BM30A-FIP. Dans le cadre de cette fonction, il a montré de grandes qualités de créativité, d’opiniâtreté et de dynamisme afin de mettre en valeur les atouts du rayonnement synchrotron pour la cristallographie des protéines. Il a été un pionnier de l’analyse automatisée des données de diffraction. En outre, il a su anticiper l’automatisation des lignes de cristallographie et a contribué à développer le premier chargeur d’échantillons basé sur un bras robotisé, le robot CATS. Par la suite, il a eu l’idée d’utiliser directement le bras robotisé comme goniomètre (le robot G-ROB), ce qui a permis pour la première fois de faire diffracter des cristaux dans leur plaque de cristallisation, ouvrant la voie à la cristallographie ‘in situ’ cruciale pour le criblage de ligands pour la conception de médicaments (‘drug design’). Il a assuré le transfert technologique de ces différentes innovations en fondant la start-up NatX-ray à Grenoble puis à San Diego. Plate-forme nationale, la ligne FIP est devenue au fil des années un outil incontournable des communautés française et internationale de cristallographie des protéines.

Jean-Luc Ferrer dirigeait le Groupe Synchrotron (GSY) de l’IBS depuis sa création en 2011. Dans le cadre du programme d’amélioration EBS de l’ESRF visant à obtenir une nouvelle source de rayons X extrêmement brillante, il avait cherché et obtenu le financement du projet de reconstruction et de rénovation de la ligne FIP afin d’offrir le meilleur service à la communauté. Il aura porté ce projet de ligne jusqu’au bout, qui deviendra BM07-FIP2 à l’automne à la réouverture de l’ESRF.

Jean-Luc était un brillant scientifique, mais aussi quelqu’un de simple et de bienveillant, toujours de bonne humeur. Il était réservé sur ses émotions mais il appréciait la convivialité et il était toujours partant pour une soirée entre amis. La Californie était un coin du monde où il aimait aller se ressourcer, près des siens. Il en adorait notamment les parcs d’attraction, où il montait dans les manèges les plus impressionnants. Sa gentillesse était sincère et permettait de créer des moments rares.

L’engagement professionnel que Jean-Luc a maintenu malgré la maladie force le respect et son travail pour développer la biologie structurale française et la porter au meilleur niveau mondial marquera notre communauté profondément. La Direction de l’IBS, son personnel, ses collègues et amis saluent la mémoire de ce scientifique éminent et adressent leurs sincères condoléances à sa famille et à ses proches.