Regard moléculaire sur la transmission de la grippe aviaire à l’Homme

​En recourant à une méthode RMN, les chercheurs de l’IBS, en collaboration avec l’EMBL Grenoble, ont révélé les mécanismes moléculaires qui permettent au virus de la grippe aviaire de s’adapter de l’oiseau à l’Homme.
Chez l’oiseau, le virus de la grippe aviaire agit via l’interaction de sa polymérase avec un facteur de transcription clé : ANP32A. Sans que cette interaction soit bien connue, deux régions de ces molécules, très dynamiques, semblaient être particulièrement impliquées. Cette connaissance incomplète empêchait toutefois les chercheurs de comprendre comment certaines mutations de la polymérase virale lui permettait de s’adapter de l’oiseau à l’Homme, et acquérir ainsi une capacité de contagion inter-espèce. Ces régions moléculaires, très dynamiques [1], ne forment ni structures uniques, ni ne se cristallisent, compliquant leur étude.
Par la RMN, les chercheurs du groupe XXX sont parvenus à décrypter ces mécanismes : chez l’oiseau, la région dite « domaine 627-NLS » de la polymérase virale se fixe à une zone bien spécifique, impliquant un motif unique aviaire, du facteur de transcription ANP32A. Toutefois, ce motif n’existe pas dans la version humaine du facteur de transcription - la polymérase virale n’a donc plus son port d’attache. Néanmoins des mutations changent la configuration de la polymérase : une mutation particulière de son domaine 627 permet à la polymérase d’interagir avec toute la zone « modifiée » de la version humaine, sous la forme d’interactions certes moins spécifiques mais plus nombreuses - un peu à la manière du velcro. Le virus acquiert alors la possibilité d’infecter un nouvel hôte : l’Homme, pouvant ainsi se transmettre d’une espèce à une autre.
Cette étude fournit un cadre moléculaire pour comprendre les modes de liaison différentiels qui sous-tendent la restriction de la polymérase de la grippe par l’ANP32A chez certaines espèces et permettra d’identifier de nouvelles cibles pour l’inhibition de la grippe.

Molecular basis of host-adaptation interactions between influenza virus polymerase PB2 subunit and ANP32A. Zarco AC, Kalayil S, Maurin D, Salvi N, Delaforge E, Milles S, Jensen MR, Hart DJ, Cusack S, Blackledge M. Nature Communications ; 2020 Jul 21 ;11(1):3656

Contact : Martin Blackledge, chercheur CEA de l’IBS (Groupe Flexibilité et Dynamique des Protéines par RMN)