Une toxine bactérienne pilotée par une protéine humaine

Pseudomonas aeruginosa peut provoquer des infections nosocomiales via la toxine ExoU qui agit sur les lipides de la membrane plasmique en provoquant leur rupture et la nécrose de la cellule hôte. En découvrant que ExoU a besoin de la protéine DNAJC5 de l’hôte pour son activité nécrotique, les chercheurs de l’Irig viennent d’identifier le talon d’Achille de cette toxine.

Pseudomonas aeruginosa est une bactérie pathogène opportuniste responsable d’infections nosocomiales et d’infections mortelles pour les patients atteints de mucoviscidose. Les isolats cliniques sont fréquemment multirésistants aux antibiotiques, ce qui complique la prise en charge des patients infectés. P. aeruginosa dispose d’un arsenal de facteurs de virulence, dont le plus actif est un injectisome qui injecte des toxines directement dans les cellules cibles. ExoU est la toxine la plus redoutable injectée par ce système. Elle possède une activité nécrosante liée à son activité phospholipase qui provoque la rupture de la membrane plasmique des cellules, avec pour conséquence des lésions sévères dans les tissus infectés.
Pour mettre en œuvre leur activité biologique toxique, les toxines bactériennes détournent souvent à leur profit des molécules ou des mécanismes de la cellule humaine (nommée « cellule hôte ») qu’elles infectent. Des chercheurs de l’Irig (collaboration IBS et Laboratoire Biologie et Biotechnologie pour la Santé) ont recherché, à l’aide d’un crible génétique utilisant la technologie CRISPR-Cas9, les gènes qui pouvaient être impliqués dans la toxicité d’ExoU. En procédant ainsi, un seul gène a été identifié ! Ce gène code pour la protéine humaine DNAJC5, protéine que l’on sait jouer un rôle central dans la sécrétion de certaines protéines cytoplasmiques via un système de transport vésiculaire non-conventionnel (MAPS). Les chercheurs ont montré que DNAJC5 guide la toxine vers la membrane plasmique de la cellule hôte, là où ExoU peut exercer son activité toxique (Figure). Ce résultat est cohérent avec le fait que la toxine ExoU n’altère pas les cellules qui ne possèdent pas DNAJC5. Les chercheurs ont ainsi montré que des drosophiles dans lesquelles l’expression du gène l’orthologue de DNAJC5 était inhibée survivaient beaucoup mieux à l’infection bactérienne.
Le système de transport assuré par la protéine DNAJC5 est donc le talon d’Achille de la toxine ExoU de la bactérie pathogène Pseudomonas aeruginosa. Cette découverte pourrait être mise à profit pour empêcher l’action dévastatrice d’ExoU lors d’infections aiguës à P. aeruginosa.

The bacterial toxin ExoU requires a host trafficking chaperone for transportation and to induce necrosis. Deruelle V, Bouillot S, Job V, Taillebourg E, Fauvarque MO, Attrée A and Huber P. Nature Communications, 2021