Etudes mécanistiques et ingénierie des protéines fluorescentes

L’un de nos thèmes centraux concerne les études photophysiques des protéines fluorescentes phototransformables (PTFP). Les PTFP sont des acteurs fondamentaux de la microscopie à super-résolution ainsi que d’autres méthodes de fluorescence avancées, telles que l’imagerie "pulse-chase", l’imagerie par illumination modulée, le transfert d’énergie par résonance de Förster (FRET) photochromique ou le stockage de données biologiques.

Ces marqueurs de fluorescence génétiquement encodés sont fascinants car leur état de fluorescence peut être modifié par illumination avec une lumière laser appropriée.
 Par exemple, la couleur d’émission de certaines PTFPs peut passer du vert au rouge par illumination avec de la lumière violette (ce que l’on appelle les FP photoconvertibles, PCFPs).
 D’autres PTFPs peuvent passer de manière réversible de l’état fluorescent à l’état non fluorescent (ce que l’on appelle des FPs réversiblement photocommutables, RSFPs), par exemple en alternant la lumière cyan et la lumière violette pour des RSFPs qui fluorescent dans le vert.

Les propriétés de phototransformation telles que la photoactivation, la photoconversion et la photocommutation doivent être comprises et optimisées pour chaque application. En outre, le clignotement (perte stochastique et transitoire de fluorescence) et le photoblanchiment (perte irréversible de fluorescence) sont des propriétés photophysiques cruciales qui sont observées chez toutes les protéines fluorescentes et que nous étudions en détail, bien qu’elles cachent encore de nombreux mystères.

De nombreux groupes dans le monde étudient et développent des protéines fluorescentes pour créer des marqueurs ou des capteurs toujours plus performants. Nous contribuons à ce domaine de recherche en étudiant les PTFPs à l’aide d’un vaste ensemble d’outils : nous utilisons généralement une combinaison de cristallographie cinétique (y compris XFEL en collaboration avec le groupe Dynamop), spectroscopie in cristallo, imagerie de molécules uniques in vitro et in cellulo et RMN en collaboration avec le groupe RMN).

Au cours des dernières années, nous avons concentré notre attention sur la photophysique de PCFPs populaires tels que mEos4b. Cette photophysique semble présenter une complexité sans fin, mais nous la comprenons un peu mieux chaque jour. Par exemple, en collaboration avec l’équipe de P. Dedecker (KUL, Belgique), nous avons déchiffré en 2019 un mécanisme majeur de clignotement chez mEos4b rouge, qui provoque habituellement de sérieux problèmes de qualité et d’interprétation des données PALM quantitatives (qPALM) ou sptPALM, et nous avons montré que ce mécanisme est très étroitement lié aux mécanismes de photocommutation réversible en jeu dans les RSFPs. Cela nous a permis de proposer une astuce pour réduire le clignotement en sptPALM, de manière à permettre la reconstruction de tracks plus longues. Nous nous sommes également intéressés à la photophysique de l’état vert dans les PCFPs. En effet, bien que les PCFPs ne sont en général détectés qu’une fois photoconvertis à l’état rouge, ce qui se passe avant la photoconversion affecte considérablement leurs performances en tant que marqueurs SMLM. Par exemple l’efficacité de marquage réelle de mEos4b dépend de manière non linéaire de la puissance laser 405 nm utilisée pour la photoconversion. En collaboration avec les équipes de J.B Sibarita et M. Sainlos (IINS, Bordeaux), nous avons démarré en 2020 un projet financé par l’ANR visant à améliorer encore la photostabilité des PCFPs, en combinant des études structurales, notamment la RMN, avec des approches d’imagerie en molécules uniques à haut débit pour permettre une ingénierie semi-rationnelle efficace. Un objet d’étude important est le lien entre la dynamique conformationnelle des PTFPs et leur photophysique, qui peut être abordé par RMN, aujourd’hui un outil central pour nos recherches. Nous avons par exemple découvert que les protéines mEos existent dans plusieurs états conformationnels, à la fois sous leur forme verte et leur forme rouge. par ailleurs, nous avons découvert que les temps de maturation des variants mEos2,3,4 étaient extrêmement longs, et par une approche rationnelle nous avons réalisé l’ingénierie des protéines mEos4Fast.

 Nous étudions aussi le mécanisme de photocommutation de RSFPs vertes comme rsEGFP2, ou rouges en collaboration avec Dorus Gadella (Université d’Amsterdam). En particulier, nous nous intéressons au mécanismes de photocommutation des protéines fluorescentes à température cryogénique ( 100 K), et nous avons récemment découvert que les mécanismes de photocommutation de rsEGFP2 à température ambiante et cryogénique étaient complètement différents, impliquant une isomérisation cis-trans à température ambiante et probablement la génération d’états radicalaires stables non fluorescents à température cryogénique