Protéines fluorescentes

Généralités sur la fluorescence

En 1935, Alexandre Jablonski, physicien polonais, explique le mécanisme de fluorescence à travers un diagramme devenu célèbre : le diagramme de Jablonski. Une molécule fluorescente est capable d’absorber de l’énergie lumineuse et de rapidement re-émettre cette énergie sous forme de fluorescence. L’émission de fluorescence se produit à partir du minimum d’énergie vibrationnelle de l’état S1, vers l’état S0. À partir de l’état excité S1, d’autres chemins de relaxation existent, comme par exemple le déclin non-radiatif par conversion interne ou le croisement inter-système vers l’état triplet T1, qui peut ensuite retourner à S0 par phosphorescence ou subir d’autres réactions photochimiques. Le retour vers l’état fondamental S0 peut aussi s’effectuer de manière non radiative par interaction avec une autre molécule par le phénomène de « quenching ». L’oxygène moléculaire est un quencher très efficace de l’état triplet, du fait de son état fondamental lui-même à l’état triplet.
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La protéine fluorescente verte (GFP)

Dans les années 1960-70, la GFP (Green Fluorescent Protein) est purifiée à partir de la méduse Aequora Victoria puis étudiée en détail par Osamu Shimomura. En 1992, Douglas Prasher parvient à cloner le gène de la GFP sauvage, et en 1994 Martin Chalfie réussit à exprimer ce gène dans la bactérie E. coli et dans le ver C. Elegans. Puis au début du XXIe siècle, Roger Tsien développe des variants de la GFP de multiples couleurs par ingénierie des protéines. En 2008 ces trois chercheurs reçoivent le prix Nobel de chimie pour leur travail sur les protéines fluorescentes. La première structure cristallographique de la GFP est résolue par James Remington en 1996. La GFP a une masse moléculaire d’environ 27 kDa et est composée de 238 acides aminés. La protéine adopte une structure en tonneau beta dont le diamètre est 24 Å et la longueur 42 Å. En forme de cylindre, la GFP est composée de 11 brins anti-parallèles et d’une hélice alpha au centre de laquelle se trouve le chromophore, formé de manière autocatalytique à partir des résidus 64 à 66. Cette structure est largement conservée parmi toutes les protéines fluorescentes, et maintient le chromophore dans une conformation relativement rigide favorisant l’émission de fluorescence, le protégeant aussi, dans une certaine mesure, des interactions avec le solvant.

Le spectre d’excitation de la GFP comporte une bande majeure à 395 nm (chromophore protoné) et une bande mineure à 470 nm (chromophore déprotoné). L’absorption d’un photon dans l’une de ces deux bandes génère de la fluorescence verte à environ 510 nm.
Le chromophore dans son état protoné ne fluoresce presque pas. Suite à une excitation à 395 nm, le résidu protoné Tyr66 du chromophore devient extrêmement acide et transfère son proton vers le Glu222 à travers un réseau de liaisons hydrogène, créant un état déprotoné et un chromophore fluorescent. Ce mécanisme est appelé transfert de proton à l’état excité (ESPT). Après le retour à l’état fondamental, le proton retourne sur le chromophore.
Même dans son état déprotoné, le chromophore de la GFP ne fluoresce pas indéfiniment. À l’échelle de la molécule unique, la fluorescence est sujette à des fluctuations temporelles (clignotement) et, inévitablement, elle finit par cesser irréversiblement (photoblanchiment). Ces processus sont extrêmement nuisibles en microscopie de fluorescence et ne sont pas complètement compris d’un point de vue photophysique.
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Équipe pixel : notre projet de recherche

Une approche sous l’angle de la photophysique pour le développement de marqueurs fluorescents améliorés

Depuis la découverte des protéines fluorescentes, la microscopie s’est enrichie d’un outil de première classe. L’obtention d’images de qualité est intimement liée au comportement photophysique des protéines fluorescentes. Au cours des dernières décennies, les approches combinant études photophysiques et conception raisonnée de nouveaux variants ont permis l’émergence de marqueurs fluorescents améliorés d’intérêt remarquable en biologie. Grâce à la combinaison de techniques de spectroscopie et de cristallographie aux rayons X, nous cherchons à comprendre les bases mécanistiques à l’origine du comportement photophysique des protéines fluorescentes en reliant les données obtenues au niveau atomique à celles obtenues au niveau macroscopique.

Photophysique des protéines fluorescentes phototransformables
Au sein de l’équipe, nous nous intéressons plus particulièrement à la photophysique des protéines phototransformables (PTFPs ). Les PTFPs sont capables, sous l’action d’une lumière actinique, de modifier leurs propriétés de fluorescence. Ces protéines remarquables sont devenues ces dernières années des outils de choix en microscopie super-résolution et pour bien d’autres applications. Nous cherchons en particulier à apporter des éléments de réponse quant aux bases photophysiques des phénomènes suivants :
- le phénomène de photocommutation
des protéines dites photocommutables (ou photochromiques) qui passent réversiblement, sous l’action de lumière actinique, d’un état sombre à un état fluorescent. A l’échelle moléculaire, ce comportement est expliqué par une isomérisation du chromophore, couplé à une protonation de ce dernier, conduisant à une forme distordue non fluorescente.

 le phénomène de photoconversion des protéines dites photoconvertibles
Ces protéines passent irreversiblement, sous l’action d’une lumière actinique violette ou proche U.V., d’un état fluorescent vert à un état fluorescent rouge. A l’échelle moléculaire, cette conversion est le fruit d’un clivage de la chaine principale de la protéine en aval du chromophore. Cette réaction chimique entraine la formation d’une double liaison qui permet alors une délocalisation des électrons plus large sur la tyrosine, l’imidazolinone et l’histidine, formant le chromophore de la forme rouge.

 le phénomène de clignotement (blinking en anglais)
des protéines fluorescentes qui passent réversiblement et aléatoirement, sous l’action de la lumière d’excitation, d’un état fluorescent vers un état non fluorescent et inversement. Les mécanismes qui régissent le clignotement ne sont pas très bien compris. Dans l’équipe (Adam et al, 2009, Roy et al, 2011), nous avons mis en évidence que, chez IrisFP, un chromophore distordu, potentiellement dû à un transfert d’électron et de proton couplé, pourrait être à l’origine du clignotement. Les résultats obtenus à l’échelle moléculaire nous permettent actuellement de travailler au développement de nouveaux variants faiblement clignotants. En effet, le phénomène est connu comme étant responsable de l’apparition d’artefacts en microscopie molécule unique.

 le phénomène de photoblanchiment des protéines fluorescentes qui passent irréversiblement, suite à l’irradiation par la lumière d’excitation, vers un état non fluorescent dit blanchi. Ce phénomène constitue un obstacle majeur en vidéomicroscopie (time lapse microscopy) lorsque l’on souhaite suivre une molécule au cours du temps. Des résultats récemment publiés dans l’équipe (Duan et al, 2013) mettent en évidence l’existence de deux mécanismes différents responsables du photoblanchiement de IrisFP. Ces travaux devraient ouvrir la voie à l’ingéniérie de variants davantage photorésistants.

 à l’effet de l’environnement sur le comportement photophysique des PTFP.
Notamment l’effet du pH, des conditions redox, de la température, du dioxygène et de l’intensité d’excitation.

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